Retraite complémentaire : l’illusion de la hausse Agirc-Arrco de novembre 2025 décryptée

Julien Varnel

octobre 20, 2025

Retraite complémentaire : l'illusion de la hausse Agirc-Arrco de novembre 2025 décryptée

Le mois de novembre marque un rendez-vous crucial pour près de 14 millions de bénéficiaires du régime complémentaire Agirc-Arrco. C’est à cette période que la revalorisation annuelle de leur pension apparaît enfin sur leur relevé, avec pour objectif de compenser, au moins partiellement, l’érosion du pouvoir d’achat.

Pour l’année 2025, les attentes sont toutefois mesurées : les projections tablent sur une hausse comprise entre 0,6 % et 1 % seulement. Ce coup de pouce symbolique suscite donc une interrogation légitime permettra-t-il réellement d’améliorer le quotidien des retraités du privé ou sera-t-il, une fois de plus, absorbé par l’augmentation des dépenses courantes ? Derrière ces chiffres se cache un enjeu majeur, qui ne bénéficiera pas de la même manière à tous les profils de pensionnés.

Une hausse calculée au millimètre : les coulisses de la revalorisation agirc-arrco

L’ajustement annuel de la retraite complémentaire du secteur privé obéit à une règle précise et non dénuée de controverse. La valeur de service du point Agirc-Arrco est ajustée sur la base de l’inflation annuelle (mesurée hors tabac), à laquelle les administrateurs choisissent traditionnellement de soustraire un facteur de solidarité et de pérennité du régime, fixé à 0,4 point. Cette retenue vise à garantir la bonne santé financière des caisses, qui doivent être capables d’assurer le versement des pensions sur le long terme.

Pour l’automne 2025, les dernières projections tablent sur une inflation contenue, s’établissant entre 1,0 % et 1,2 %. L’application stricte de la formule place donc naturellement la revalorisation finale dans la fourchette de 0,6 % à 1 %. Bien que la décision finale soit prise par le conseil d’administration en octobre, cette prudence est une constante.

Pour mémoire, la base de calcul est la valeur du point fixée à 1,4386 € depuis novembre 2024. Il est essentiel de noter que l’augmentation de 2025 n’aura aucune incidence rétroactive sur les versements passés et ne s’appliquera qu’à partir de la pension versée début novembre.

L’illustration concrète de cette faible augmentation révèle une disparité de gains : la hausse étant strictement proportionnelle au nombre de points acquis, le montant additionnel mensuel reste contenu.

nombre de points (exemples) pension complémentaire actuelle gain potentiel à +0,6 % gain potentiel à +1 %
4 000 480 € +2,9 € +4,8 €
5 000 600 € +3,6 € +6,0 €
8 000 960 € +5,8 € +9,6 €

 

Effet ciseaux sur le pouvoir d’achat : les inégalités devant le chiffre

L’analyse de l’impact de cette revalorisation modeste met en lumière une inégalité persistante. Les retraités aux carrières les plus longues et aux salaires les plus élevés, ayant ainsi accumulé un capital de points conséquent, sont les seuls à bénéficier d’un supplément qui approche les 10 euros mensuels dans le meilleur des cas (pour 8 000 points). Ce sont eux qui, en valeur absolue, profitent le plus de la réévaluation du point.

À l’inverse, les allocataires ayant eu des parcours professionnels hachés, de longues périodes de chômage ou ayant exercé à temps partiel se retrouvent avec des pensions complémentaires plus faibles. Pour eux, l’effet de l’augmentation ne dépasse pas le seuil de quelques euros par mois. Pour cette frange de retraités, l’effet de cette revalorisation se limite à une variation marginale, insuffisante pour constituer une véritable bouffée d’oxygène budgétaire.

Il est également crucial de ne pas confondre cette hausse avec celle de la retraite de base (Cnav/Carsat), qui suit des modalités et un calendrier différents (généralement en janvier). Cette complémentaire, bien que fondamentale, n’est qu’une partie du revenu global. Un point positif est la disparition définitive en 2024 du coefficient de solidarité ou « malus » qui pénalisait certains nouveaux retraités. Cette suppression, bien qu’elle n’ajoute pas d’euros supplémentaires via la revalorisation, constitue une amélioration structurelle du régime pour les futurs partants.

Un rattrapage incomplet : le coût réel de la prudence financière du régime

La question du pouvoir d’achat domine inlassablement le débat sur la retraite. Avec une inflation qui a progressé autour de 1% à 1.2%au cours des douze derniers mois, le fait que la revalorisation de l’Agirc-Arrco soit systématiquement minorée de 0,4 point signifie qu’elle ne couvrira pas totalement la hausse du coût de la vie.

En d’autres termes, les pensions continuent de subir une érosion progressive par rapport au prix réel du panier de consommation, des frais de santé et de l’énergie. Cette modération s’explique par la nécessité de préserver l’équilibre du régime. La revalorisation de 1,6 % appliquée en 2024 avait déjà représenté une charge de 1,6 milliard d’euros sur une année complète.

Dans un contexte de vieillissement démographique et d’une pression croissante sur les caisses, l’Agirc-Arrco doit maintenir des réserves suffisantes, l’équivalent de plusieurs mois de prestations, afin d’assurer la pérennité du système. Cependant, cette prudence financière se traduit par une réalité amère pour les bénéficiaires.

La revalorisation est vécue non pas comme une amélioration, mais comme un rattrapage insuffisant des pertes passées et de l’inflation présente. Un retraité avec 6200 points, dont le gain sera d’environ 4.50 euros à 7.40 euros par mois, ne pourra qu’observer l’écart grandissant entre ce faible supplément et l’augmentation persistante des dépenses essentielles. L’équation des prochaines années sera de déterminer comment l’Agirc-Arrco, dans le cadre de l’accord de 2023, pourra concilier sa stabilité financière avec la nécessité de préserver durablement le niveau de vie de ses allocataires.