La retraite des fonctionnaires d’État se distingue nettement du régime général des salariés du privé. Sans caisse autonome, son financement repose presque exclusivement sur le budget de l’État, ce qui en fait l’un des régimes les plus coûteux.
Avec un déséquilibre démographique marqué et des règles spécifiques qui alourdissent les charges, les dépenses atteignent 63,7 milliards d’euros en 2024. L’Assemblée nationale alerte sur la soutenabilité de ce modèle et propose des pistes d’ajustement.
Un système structurellement déséquilibré
Depuis 2006, le régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires est géré via le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions. En 2024, la contribution d’équilibre versée par l’État atteint 48,2 milliards d’euros, soit 75,7% du financement global.
Le problème majeur vient du ratio cotisants/pensionnés fin 2023, on comptait 1,97 million de cotisants pour 2,06 millions de pensions de droit direct, soit 0,96 cotisant par retraité. À titre de comparaison, le régime général, complété par l’Agirc-Arrco, bénéficie encore d’un rapport de 1,6. Ce déséquilibre démographique entraîne une hausse continue des besoins de financement.
Depuis 1990, les dépenses progressent en moyenne de 3,7% par an, tirées par l’augmentation du montant moyen des pensions (+2,2%) et la croissance du nombre de retraités (+1,5%). Cette dynamique met mécaniquement sous pression les finances publiques.
une évolution inquiétante des dépenses
- Progression annuelle moyenne des dépenses depuis 1990 : +3,7 %
- Hausse du montant moyen des pensions : +2,2 % par an
- Augmentation du nombre de retraités : +1,5 % par an
Des règles spécifiques qui alourdissent la facture
Au-delà du déséquilibre démographique, certaines règles propres à la fonction publique expliquent une partie du surcoût. Les pensions de réversion sont attribuées sans condition de ressources ni d’âge minimal, ce qui représente une dépense supplémentaire estimée à 1,6 milliard d’euros.
Les départs anticipés constituent une autre charge importante. Les militaires, mais aussi certaines professions comme les policiers, le personnel pénitentiaire ou les contrôleurs aériens, bénéficient de dispositifs leur permettant de partir plus tôt à la retraite. Le coût de ces départs anticipés est évalué à 5,3 milliards d’euros par an.
Catégorie | Taux appliqué à l’État employeur | Privé en comparaison |
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Fonctionnaires civils | 78,28 % | 16,58 % |
Militaires | 126,07 % | 16,58 % |
Ces règles spécifiques expliquent pourquoi les taux de cotisation théoriques appliqués à l’État employeur sont extrêmement élevés : 78,28% pour les fonctionnaires civils et 126,07% pour les militaires, contre seulement 16,58% dans le privé. Une mécanique qui gonfle artificiellement le coût d’un fonctionnaire et masque le déficit réel du régime.
L’héritage d’Orange et de La Poste, un poids grandissant
Le changement de statut d’Orange (1997) et de La Poste (2010) a laissé un héritage lourd pour le régime des retraites de la fonction publique. Les agents recrutés avant ces dates ont conservé leur statut de fonctionnaire et restent donc affiliés au régime de l’État.
En 2025, ces deux entreprises comptent encore 60 190 cotisants pour 321 609 retraités, soit un ratio d’un pour 5,3. Dans le même temps, leurs contributions financières au régime ont chuté de 75,6% depuis 2020 pour atteindre 239,6 millions d’euros. L’État compense la différence en 2023, il a déboursé 7,3 milliards d’euros pour couvrir les pensions de ces anciens agents, soit près de 12% des dépenses totales du régime.
- Dépenses liées aux anciens agents : 7,3 milliards d’euros en 2023
- Part dans le total du régime : près de 12 %
- Projections : un ratio de 1 pour 10,6 d’ici 2030
Les projections sont encore plus préoccupantes d’ici 2030, le ratio passera à 1 cotisant pour 10,6 retraités. À l’horizon 2044 pour Orange et 2065 pour La Poste, il n’y aura plus aucun cotisant fonctionnaire, laissant à l’État la totalité de la charge.