Réversion, enfants, conjoints : les nouvelles règles que prépare la réforme des retraites en 2026

Julien Varnel

octobre 14, 2025

Réversion, enfants, conjoints : les nouvelles règles que prépare la réforme des retraites en 2026

Sous le poids de la réforme de 2023  qui a repoussé l’âge légal de départ à 64 ans le débat sur les droits familiaux et conjugaux repasse au premier plan. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) examine des scénarios audacieux : fusionner certains dispositifs, conditionner la réversion aux ressources, ou créer une prestation unique de type “assurance veuvage”.

Les enjeux sont énormes : comment préserver les compensations accordées aux parents, souvent les mères, tout en assurant la viabilité financière du système ? Voici les pistes, contraintes et tensions qui dessinent l’avenir.

Le poids réel des droits familiaux et conjugaux

Les droits familiaux  conçus pour compenser les interruptions de carrière liées à la maternité ou à l’éducation des enfants représentent aujourd’hui un poste budgétaire majeur dans le système de retraites. En 2022, leur coût atteignait près de 25,7 milliards d’euros, soit plus de 8 % des prestations versées. Les pensions de réversion, quant à elles, s’élèvent à plus de 37 milliards d’euros chaque année, avec une majorité de bénéficiaires femmes. Ensemble, ces dispositifs absorbent près d’un cinquième des dépenses totales.

Pourtant, leur efficacité est de plus en plus remise en question : malgré ces mécanismes, les femmes continuent de percevoir des pensions inférieures de près de 38 % à celles des hommes. L’écart peine à se résorber et pourrait même s’amplifier si les règles ne sont pas modernisées.

Des droits obsolètes face aux réalités modernes

Les mécanismes actuels datent d’une époque où les carrières féminines étaient plus linéaires et les interruptions de travail plus fréquentes pour raisons familiales. Or, les parcours d’aujourd’hui sont marqués par la flexibilité, les temps partiels, les reconversions et la diversité des formes d’union : mariages, PACS, concubinages, familles recomposées

Ce décalage profond entre les règles et les réalités sociales fragilise la cohérence du système. Les trimestres accordés pour maternité deviennent parfois symboliques, notamment depuis le relèvement de l’âge légal : certaines femmes valident leurs droits mais ne peuvent pas partir avant 64 ans. Ces situations illustrent la nécessité de repenser les dispositifs à la lumière des modes de vie contemporains.

À noter : de nombreux experts soulignent que les droits actuels ne bénéficient pas toujours à celles qui en auraient le plus besoin, notamment les femmes aux carrières morcelées ou à faibles revenus.

Scénarios de réforme : entre fusion, condition de ressources et équité

Face à ces constats, le COR a simulé plusieurs scénarios de réforme destinés à redessiner le paysage des droits conjugaux et familiaux. Parmi les pistes actuellement étudiées :

  • Conditionner la pension de réversion aux ressources du bénéficiaire, ce qui permettrait de concentrer les aides sur les foyers les plus modestes.
  • Fusionner les droits conjugaux et familiaux dans une prestation unique accessible à tous les couples, mariés ou non, via une “assurance veuvage” modernisée.
  • Uniformiser les majorations pour enfants, afin d’assurer une équité entre régimes publics et privés.
  • Réformer l’allocation parentale au foyer (AVPF) pour l’adapter aux nouveaux modes de travail et aux situations précaires.

Ces mesures, combinées, viseraient à simplifier un système devenu illisible, tout en réalisant des économies progressives à long terme. Mais attention : chaque scénario comporte ses gagnants et ses perdants. Les veufs et veuves disposant de revenus confortables pourraient voir leurs droits réduits, tandis que les parents modestes seraient mieux protégés.

Vers un modèle plus équitable et durable ?

Pour bâtir un système à la fois juste et soutenable, la réforme devra concilier plusieurs principes : harmonisation, ciblage des aides et progressivité des droits. L’objectif n’est plus seulement de compenser la maternité, mais de prendre en compte la parentalité dans toute sa diversité.

Une harmonisation des majorations pour enfants est envisagée, afin que tous les parents bénéficient d’un traitement équitable, quel que soit leur statut professionnel. De même, conditionner certaines aides aux ressources permettrait d’en garantir la pertinence sociale, sans pour autant exclure totalement les foyers à revenus moyens.

Voici une projection indicative de l’impact possible des principaux scénarios :

Scénario de réforme Effet estimé sur les dépenses Groupes favorisés Groupes potentiellement pénalisés
Réversion conditionnée aux ressources –17 % Veuves modestes Veuves à hauts revenus
Fusion des droits conjugaux et familiaux –13 % Parents modestes Conjoints bénéficiant de fortes pensions
Harmonisation des majorations pour enfants Réduction des écarts Mères des régimes moins favorisés Aucun groupe majoritairement désavantagé
Réforme de l’AVPF Coût accru à court terme Parents précaires Foyers déjà aidés à revenu élevé

Important : toute réforme de cette ampleur doit être accompagnée de mesures transitoires et d’une concertation approfondie. Modifier les droits familiaux et conjugaux touche directement à la structure de solidarité entre générations et au rôle de la famille dans le modèle social français.

La refonte de ces dispositifs apparaît inévitable. L’objectif : rendre le système plus équitable, plus lisible et mieux adapté aux réalités sociales. Le rapport final du COR attendu fin 2025 devrait préciser les orientations retenues, avec une mise en œuvre possible dès 2026. D’ici là, un seul mot d’ordre : équilibre. Entre solidarité et soutenabilité, la réforme devra trouver le juste milieu.